L’Arctique est une région fascinante qui intrigue et subjugue par son immensité et les mystères qu’elle recèle. Son océan, le plus petit du globe, s’étend sur une surface de 13 millions de km2 environ avec une profondeur de 4'000 mètres par endroits. Il recouvre l’ensemble des mers situées entre le Pôle Nord, le nord de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique et communique avec l’Atlantique et le Pacifique. Aujourd’hui cette vaste étendue subit les conséquences du réchauffement deux fois plus vite que le reste de la planète.
Depuis plusieurs siècles, avec Martin Frobischer, en 1576 et 1578, Henri Hudson en 1610, Sir John Franklin, entre 1819 et 1845 et Roald Amundsen, de 1903 à 1906, l’homme a tenté de forcer le passage du Nord Ouest pour joindre, par bateau, les deux océans durant l’été.
De plus le quart des réserves pétrolières et gazières mondiales, non encore découvertes, se trouvent en Arctique, notamment dans la région inuvialuite qui englobe la portion nord-ouest des Territoires du Nord-Ouest (NWT), région où je me suis rendu à deux reprises, en 2006 et 2008.
Sur le plan du climat, les scientifiques pensent que l’Arctique pourrait se réchauffer de 4 à 7 degrés, d’ici la fin du siècle, laissant libre de glace l’océan Arctique en été 2040 et faisant disparaitre la banquise d’ici 2100. Alors que selon les cycles naturels des changements climatiques, dus à l’orbite terrestre, nous devrions nous diriger vers un refroidissement, notre planète se réchauffe avec un effet accélérateur évident depuis l’ère industrielle et notre consommation boulimique d’énergie fossile pourrait doubler d’ici 2050 ! Pourrons-nous inverser cette tendance ? Probablement pas de manière assez drastique pour modifier le processus. Néanmoins la prise de conscience actuelle pourrait bien nous amener à corriger certains effets, pour nous permettre, comme la nature, de nous adapter, en attendant la prochaine ère glacière, prévue par les cycles de Milankovitch, d’ici 30'000 ans, sachant qu’il y a 6'000 ans la température de la terre était de 0,5 à 2 degrés supérieure par rapport au XXème siècle.
Ces prochaines années cette contrée va donc être confrontée à de nombreuses transformations et projets de développements, dont le plus important est certainement le passage du Nord-Ouest. Entre 1903 et 1906 Amundsen a mis trois ans pour relier les deux océans, alors qu’aujourd’hui il faut quinze jours ! Bientôt (on parle de 2015) il sera ainsi possible de connecter Londres à Tokyo par bateau, avec 15'930 km alors que par le canal de Panama la distance est de 23'300 km ou 21'200 km par celui de Suez, soit une différence de 7'000 à 5’000 km. Il n’en demeure pas moins que ce passage restera dangereux pour longtemps encore et qu’il sera indispensable d’introduire des règles très strictes pour éviter des catastrophes. A cet effet le Canada, concerné par la majeure partie de cet itinéraire, se doit de jouer un rôle important pour exercer un contrôle afin d’éviter que de vulgaires rafiots ou pilotes inexpérimentés mettent en péril l’environnement car les conséquences seraient alors dramatiques. A ce jour les nouvelles ne sont cependant pas très rassurantes car ce pays s’oppose à d’autres, comme les USA, la Russie et l’Union Européenne qui considèrent, selon les règles internationales de droit maritime, que le passage entre deux océans est ipso facto un passage en eaux internationales, donc soumis à des règles fort peu contraignantes et inadaptées à la situation. Il est donc urgent que les autorités canadiennes prennent conscience de cette responsabilité historique et fassent acte de souveraineté pour la sauvegarde des ressources naturelles et culturelles de ces régions et éviter des marées noires aux conséquences irrémédiables.
L’autre axe de développement est représenté par le pétrole et également le gaz à découvrir et exploiter dans la région inuvialuit. Concernant cette dernière ressource énergétique, des compagnies comme Esso Impérial, Conoco Phillips, Shell Canada et Exon Mobile lorgnent les réserves de Taglu, Parson Lake et Niglink-gak dans le delta du Mackenzie (5,8 billions de pieds cubes de gaz). Ces quatre entreprises ont d’ailleurs le projet gigantesque d’un gazoduc commun de 1'250 km qui relierait le delta au réseau existant en Alberta et couterait 7,5 milliards de dollars. Des Inuits ont d’ailleurs formé l’Arboriginal Pipeline Group pour s’y associer malgré encore quelques oppositions.
Il faut encore mentionner de nombreux gisements de diamants dans les NWT et le Nunavut, ainsi que d’autres minerais tels qu’or, argent, cuivre, platine, nickel, zinc, plomb et fer. Cependant les coûts d’exploitation demeurent encore passablement élevés.
Tous ces changements vont certainement bouleverser cette région du globe et avoir des conséquences sur la biodiversité. Avec un climat plus chaud et l’exploitation de certaines ressources, l’Arctique va se transformer et le prix à payer sera lourd dans la mesure où il impliquera la disparition d’un écosystème unique sur la planète. Cependant, et c’est aussi le grand paradoxe nordique, il n’y aura pas que des aspects négatifs. En effet dans un climat plus chaud, l’Arctique pourrait s’enrichir de nombreuses espèces venues du sud et devenir, comme le golf du Saint-Laurent, un espace aux eaux prolifiques. Il faut donc éviter de verser dans un discours écologique étroit et considérer plutôt ces mutations et leurs conséquences sur la vie des habitants, notamment le peuple inuit, qui, encore primitif il y a une cinquantaine d’années, se retrouve directement propulsé dans l’ère informatique. Comme le relève Jean MALAURIE, célèbre ethnologue et géographe français, spécialiste du Grand Nord, « l’écologie, si elle n’a pas une dimension philosophique et sacrée, ce n’est rien d’autre qu’une rustine. »
Nommé ambassadeur de bonne volonté par l’UNESCO pour les régions polaires arctiques cette personnalité a par ailleurs préconisé d’adopter une charte internationale pour la sauvegarde de l’Arctique. Pourquoi le Canada ne reprendrait-il pas cette idée, sous l’égide de l’ONU pour favoriser ainsi un meilleur échange entre les différents pays concernés et contribuer à l’adoption d’une réglementation adaptée et dynamique.
Alors que nous vivons en permanence dans l’idée de manque, ce qui nous pousse à produire, consommer, rivaliser et dominer toujours plus, la Nature nous offre un modèle équilibré de compétition où création, production et consommation suivent les cycles naturel de la vie.
Dans un prochain article je reviendrai sur notre récent séjour et expédition en chiens de traineaux pour vous tenir au courant de la suite de mes projets.
A bientôt !!!