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19 mars 2006 7 19 /03 /mars /2006 01:39

(Suite article du 16 mars) Le matin du troisième jour, selon le même rituel, nous allons nourrir les chiens avant de prendre notre breakfast, toujours aussi copieux. Nous préparons ensuite nos effets personnels, sacs de couchage, matériel et embarquons la nourriture pour trois jours, préparée par notre guide Pierre pour nous et les trente et un chiens participant à l'expédition. La charge est répartie sur les cinq traîneaux ainsi que le skidoo (motoneige), conduit par Guillaume, un jeune québécois sympathique et enthousiaste, qui assiste notre guide. Une fois les attelages prêts, nous quittons Sky Valley Ranch pour Fish Lake que nous longeons sur environ 9 km, avant de nous engager sur un sentier forestier, pour une montée qui nous fait transpirer, malgré la température. Une fois au sommet de la colline nous avons une vue magistrale sur le lac et apercevons encore quelques envols de perdrix blanches, dont l'un est suivi par les chiens de l'attelage de Geneviève, qui sont vite rappelés à l'ordre en anglais-genevois autoritaire. Un peu plus loin nous débouchons sur un vaste plateau désertique et immaculé où nous faisons une halte casse-croûte par -35 degrés, un peu de vent et un soleil voilé. Guillaume a poursuivi sa route avec le skidoo pour aller préparer la cabane et allumer le feu, élément essentiel par ces frimas.

Après quelques kilomètres nous entamons la descente ! Avec le vent et l'accumulation de neige par endroits, la piste n'est pas très aisée, passages en dévers notamment et c'est une véritable hécatombe. Geneviève, qui suit toujours le sled du guide, cupesse et perd une de ses bottes, les deux australiennes, dans un élan tétanique, mordent la neige à plusieurs reprises. Les chiens font ce qu'ils peuvent pour que cela ne devienne pas la Bérézina, due à notre manque d'expérience et un peu de trouille à certains moments. De mon côté, le jeune Tucker, six mois, qui fait ses débuts attelé avec le chien de tête, entraîne toute la meute pour couper, quelques mètres avant, un virage en épingle à cheveux. Je tente désespérément d'improviser une manoeuvre originale, sans succès et fini par lâcher le traîneau qui rejoint très rapidement les chiens en leur bottant les fesses, ce qu'ils apprécient que très modérément. Pierre vole à notre secours pour défaire les noeuds et libérer les chiens. Il descend le sled un peu plus loin et le plante dans le neige fraiche en contrebas, invoquant silencieusement, les bras levés au ciel, tous les dieux du Yukon et de l'Alaska réunis pour l'occasion. Nous poursuivons ainsi cahin-caha notre route, chutant encore de ci de là. Entre-temps Guillaume, inquiet de ne pas nous voir arriver, nous a rejoint pour donner la main et nous permettre ainsi d'arriver à la cabane de Coal Lake en bonnes conditions, après 25 km dans cette nature sauvage, surprenante et envoutante que nous contemplons tout de même dans les moments moins stressants.

La cabane est merveilleusement située dans une petite combe, à l'abris du vent. Construite en 1974, elle se compose d'une seule pièce de 20 m2 environ, où nous allons vivre, manger, dormir et bavarder pendant trois jours. A noter que pour le bavardage, Geneviève s'est révélée très rapidement championne toute catégorie, sa limite se situant à -30 degrés. Guillaume logera quant à lui dans une autre petite cabane située à proximité. L'intérieur de notre logis comporte l'essentiel et tout plein d'objets hétéroclites accumulés au fil des ans. Le fourneau, qu'il faut charger toutes les deux heures environ est l'élément principal et le plus précieux puisqu'il servira à nous chauffer et à cuisiner. C'est la véritable cabane de trappeur, authentique et illustre, puisqu'elle aurait servi de cadre pour le film « le dernier trappeur » lorsque le héros rencontre le vieil homme dans sa cabane. D'autres scènes du film ont également été tournées dans la région que nous parcourons. Le soir nous partagerons le repas préparé par Pierre et Guillaume, au menu, de magnifiques entrecôtes aux champignons, légumes et riz. Quant aux chiens, après une pétition rapidement écartée par un repas de croquettes et soupe énergisante, ils ont été installés aux alentours de la cabane où ils dormiront à la belle étoile. La première nuit sera paisible et étoilée, annonçant un très belle journée.

Le lendemain, avec une température de seulement -27 degrés et un soleil resplendissant qui nous accompagnera toute la journée, nous allons effectuer une nouvelle étape de 25 km pour rejoindre Coal Lake, où nous ferons halte pour un sympathique pique nique et une tentative de percer la glace du lac pour pêcher. Malheureusement les lames de la tarière n'étant pas au point, nous ne pourrons pas poursuivre ce projet. Nous profitons alors du feu réconfortant, qui nous permet de réchauffer nos sandwichs pour éviter qu'ils craquent trop sous la dent, tout en continuant à admirer un paysage extrême, saisissant, fascinant et émouvant pour nous. Avec le soleil la température est remontée à -15 degrés. Quant à la conduite de nos traîneaux, quelques nouveaux dévers et pentes nous auront permis de poursuivre nos « lancés » de sleds que Guillaume, qui nous suit avec le skidoo, tentera d'arrêter en nous aidant à nous relever parfois dans certaines situations inconfortables. Nous rejoignons la cabane en fin de journée, après une magnifique course et les yeux remplis d'images scintillantes et féériques. Les chiens sont heureux d'arriver et après les avoir libérés de leur harnais, remerciés de leurs efforts par force caresses et laissés récupérer, nous leur donnons à manger. Ces chiens, qui sont la fierté de Pierre, demandent beaucoup de soins et d'affection. Au menu du repas du soir spaghettis, sauce bolognaise, de l'énergie pour la prochaine journée.

Après une seconde nuit nous reprenons la route en direction d'Alligator Lake. La température est toujours aussi fraîche et le ciel voilé par une légère couche de cristaux et quelques nuages élevés. Le vent s'est levé, ce qui va encore rendre assez problématique notre progression. Pour ma part je vais râler sec toute la journée car je me retrouve derrière les deux australiennes qui n'arrêtent pas de faire des plongeons plus ou moins acrobatiques, ce qui me demande passablement d'efforts pour éviter des collisions. Du coup mes courbatures sont au paroxysme, mon dos commence à trouver la plaisanterie un peu raide et je continue à goûter régulièrement la bonne neige du Yukon. Cette course nous aura aussi permis de découvrir un autre paysage de collines et marais toujours aussi captivant et mirifique. Nous passerons notre dernière soirée avec un repas composé de côtes de porc succulentes accompagnées de purée, légumes et beurre magné apprêté par Geneviève.

Le matin de notre dernier jour nous préparons nos affaires pour le retour. Pierre, notre guide avisé, compétent et en communion permanente avec cette nature sauvage envoûtante, est un peu inquiet en raison du vent qui souffle sur les hauteurs. Cependant tout se déroule pas trop mal, on commence en effet à mieux maîtriser notre attelage et à garder l'équilibre dans les passages délicats. Geneviève quant à elle devient un véritable musher et sera bonne pour la prochaine course de la Yukon Quest de 1'000 km ! Nous reprenons le même itinéraire qu'à l'aller, toujours émerveillés par ces paysages exceptionnels et exaltants et rejoignons la première cabane où un casse croûte réconfortant nous attend. Ensuite nous rassemblons nos affaires, rendons nos effets polaires, prenons congé de Pierre et Guillaume et allons dire au revoir à nos chiens avant d'être transférés dans un petit hôtel de Whitehorse pour une douche bien venue et une nuit dans un bon lit, avant notre retour à Vancouver par l'avion d'Air North.

Ces 160 km environ auront été assez éprouvant physiquement, ce type de dog sledding étant considéré, paraît-il, comme un sport extrême. Cependant cette expérience passionnante aura également contribué à nous remettre la tronche en place. Nous en retirerons en effet une belle leçon de vie. Nous sommes tous tirés dans notre existence par un attelage propulsé, à l'image des chiens, par la Force de Vie. Souvent, alors que nous pensons que notre traîneau va se renverser, il se remet tout seul en place et dans la bonne direction, tiré inexorablement par cette force. Parfois et même assez souvent il faut savoir éviter, ce qui n'est pas toujours aisé et le cas, les branches d'arbres et autres obstacles, se pencher, regarder dans la bonne direction, faire attention aux plaques de glace, à certains dévers, à la neige épaisse et aussi marcher ou courir à côté du traîneau, dans les montées, pour l'aider à avancer et poursuivre sa route. Avec le temps et les erreurs, il prend alors quelques coups, marques et blessures, signes que la Vie est passée par là et non l'ennui, qui lui ne laisse aucune trace. Sachons donc avoir confiance en notre attelage et soyons aussi reconnaissant et tendre avec cette énergie qui nous propulse, même si ce n'est pas tous les jours facile.

Merci pour votre patience et allez maintenant jeter un coup d'oeil à l'album de photos No 22 «  La cabane du trappeur ».

A bientôt...

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