Avant de vous parler des fous, quelques mots sur les Micmacs, rien à voir avec le terme micmac qui signifie désordre. Il s’agit d’autochtones de la famille des Algonquiens qui vivent dans les forêts des Appalaches, l’autre groupe étant les Iroquiens qui occupent la région des Grands Lacs et les Basses terres du Saint Laurent jusqu’à Québec. Les Micmacs furent les premiers à utiliser les ressources du territoire péninsulaire et des eaux poissonneuses afin de guider les explorateurs comme Jacques Cartier, les missionnaires, les pêcheurs européens et plus tard les Britanniques qui auront besoin d’eux, notamment dans leurs travaux d’arpentage. Reconnus comme d’habiles navigateurs, ils seront d’un précieux secours aux Français et Acadiens dans leur guerre contre les Britanniques.
Dans cette région micmaque est situé un charmant village touristique, Percé, qui doit son nom à son fameux rocher. Nous y ferons une halte de deux jours pour visiter l’île Bonaventure, repère extraordinaire pour plusieurs espèces d’oiseaux, comme le guilmot marmette, le gode ou petit pingouin, le guillemot à miroir, le goéland noir et l’argenté, la mouette et le macareux, oiseau au gros bec jaune.
Quant aux fous, il s’agit des fous de Bassan, dont la colonie, la plus importante de toute l'Amérique du Nord, atteint plus de cinquante mille couples. Ils arrivent dans la première semaine d’avril après avoir passé l’hiver en Floride et dans le Golf du Mexique et resteront jusqu’à fin octobre pour la nidification et donner naissance aux petits fous dont le soixante pour cent périra avant ou lors du premier envol.
Ce superbe oiseau, dont l’envergure peut atteindre deux mètres, pèse environ trois kilos, a une espérance de vie moyenne de vingt ans, maximum quarante et consomme chaque jour 500 gr. de poissons (capelans, maquereaux et harengs) ce qui représente pour toute la colonie 50 tonnes en une seule journée ! C’est dire si les eaux du golf du Saint Laurent sont poissonneuses puisqu’ils les partagent encore avec les autres oiseaux, les baleines, les phoques et les pêcheurs. Afin d’atteindre ses proies le fou prend son élan, ramène ses ailes le long du corps et comme une torpille fonce à cent à l’heure pour plonger, parfois jusqu’à 12 mètres de profondeur. Et comme la nature est extraordinaire, il amorti le choc par deux coussinets d’air, le long du coup, air qu’il aura inspiré préalablement avant de s’envoler. C’est un oiseau marin magnifique, passionnant à observer, adapté parfaitement à la vie en mer et pourtant il passe plus de six mois sur terre. Son anatomie et ses comportements prouvent également qu’il est très bien préparé à la nidification en falaise. Nous aurons tout le loisir de les contempler pendant deux bonnes heures, pratiquement seuls, car c’était le premier jour d’ouverture de l’île. L’album de photos No 34 vous permettra de mieux comprendre l’émotion que nous avons ressentie. Quant aux attitudes décrites, elles sont réelles et viennent d’une petite brochure que j’ai lue après avoir pris les clichés, que nous vous laissons découvrir.
Le lendemain nous testerons pour la première fois, durant deux heures, le kayak de mer avec de jolies petites vagues. Nous serons accompagnés par un sympathique guide, Franck, spécialiste du lancé de téléphone portable étanche à la mer, que nous retrouverons fort heureusement en revenant, sous un mètre d’eau environ. En fait il l’avait perdu en partant et ne s’en était pas aperçu immédiatement. Après deux heures dans la mer il fonctionnait encore parfaitement, avec trois messages de baleines de passage et un appel manqué d’un phoque stressé. A la suite de cette petite expédition nous nous rendons sur les hauteurs de Percé pour une randonnée qui nous permettra de bénéficier de superbes points de vues et de mieux connaître les essences d’arbres tels que le sapin baumier, l’épinette noire, le mélèze laricin et le thuya occidental. Ce genre de forêt nous rapproche de nos régions et nous change des forêts humides et boréales que nous avons parcourues à l’ouest.
Nous allons bientôt terminer notre périple gaspésien en gagnant la Baie des Chaleurs et remonter ensuite sur Sainte Flavie pour retrouver le Saint Laurent et faire un arrêt au Centre d’Art Marcel Gagnon, avant de rejoindre Montréal.