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6 septembre 2005 2 06 /09 /septembre /2005 00:00

 
Nous poursuivons notre randonnée pour une nouvelle étape de dix kilomètres qui nous mènera à la cabane No 4. Il fait alors assez chaud (25 degrés env). Cette fois ci nous éprouvons notre soif et sommes tout heureux de trouver un point d’eau, à mi-parcours, pour faire fonctionner la petite pompe. Nous traversons une nouvelle zone forestière importante, avec quelques petites montées, pour déboucher sur cette magnifique falaise qui domine la Pelly, cette longue rivière impassible et majestueuse

Sur le plan géologique, nous sommes sur les bords du sous-continent perdu de la Béringie, qui remonte à la dernière grande époque glaciaire. Durant cette période, où le reste du Canada était emprisonné sous d’épaisses couches de glace, une région comprenant l’est de la Sibérie, l’Alaska et le Yukon se trouvait libre de glaciers. Le niveau de la mer avait alors baissé de quelques 125 mètres, laissant paraître une toundra verdoyante avec une variété considérable d’espèces végétales et animales tels que les mammouths laineux, les chats des cavernes et l’ours à face courte. Par ailleurs ce véritable passage entre la Sibérie et l’Amérique du Nord a permis aux premiers habitants, il y a au moins 24'000 ans, de venir s’installer dans cette région, sur les traces du mammouth et du bison des steppes. Ce sont vraisemblablement les ancêtres des natifs d’aujourd’hui et de ceux qui sont descendus plus au sud du continent. Pour ceux que cet aspect intéresse vous pouvez consulter le site du centre d’interprétation de la Bérengie : www.beringia.com

Après cette docte parenthèse, le lendemain, la journée s’annonce toute aussi belle pour parcourir notre dernière étape de 11 kilomètres et atteindre Ross River. Nous descendons vers cette localité de natifs, heureux d’avoir marché sans trop de difficulté, à une allure très raisonnable, les yeux remplis de ces magnifiques paysages. Nous atteignons notre but vers 15 heures 30. Nous traversons un pont de bois suspendu et gagnons l’unique hôtel pour une bonne douche et une nuit dans un lit plus confortable que le sac de couchage. La localité est assez étrange, rues très larges, maisons espacées, un peu délabrées, sauf les deux ou trois bâtiments officiels. Quelques très jeunes enfants font du vélo, sans aucun danger en raison d’une circulation très sporadique et d’une parfaite visibilité pour les deux ou trois véhicules qui circulent à vitesse réduite. Une brume de fumée enveloppe cette petite localité, la rendant encore plus irréelle. Curieux nous allons prendre un verre au bar du coin. Quelques natifs fréquentent ce lieu, qui semble sortir d’un film de Ken Loach. On a un peu l’impression d’être dans un entrepôt, bas de plafond, intérieur simple, sono correcte, piste de danse, billard américain, tables et chaises en bois et formica des années 1960. Le seul élément actuel est un grand écran de TV et le comptoir avec quelques équipements modernes. Nous y passerons également un moment, après le repas à l’hôtel, que nous avons bien failli manger dehors, car ils avaient décidé de fermer à 19 h 30 ! Heureusement pour nous le cuisinier a fini par accepter de nous servir les sandwichs classiques avec « french fries », ketchup et autres sauces exotiques. Après avoir avalé notre dîner et quitté les lieux, nous nous rendons donc au bar pour une partie de fléchettes et d’échanges sympathiques.

 

Le lendemain matin nous passons aux derniers préparatifs pour la descente de la Pelly. Tous nos effets personnels, sac de couchage et tente sont placés dans des tonneaux étanches. La journée s’annonce encore rayonnante. Nous nous séparons des deux chiens, heureux de retrouver leur maître, Doug, qui est venu nous amener les deux canoës. Nous embarquons après avoir chargé et arrimé nos deux embarcations et commençons notre navigation sur une partie aisée de la rivière, profitant ainsi au maximum du magnifique spectacle qui s’offre à nos yeux, toujours aussi émerveillés. Nous faisons ainsi le chemin inverse, en contemplant le paysage depuis le niveau de la rivière. Nous apercevons encore quelques aigles, un gros pépère de castor, qui nous ignore superbement et devinons de nombreux autres yeux dirigés vers nous, ce qui rend encore plus fantastique et captivant notre périple. Les cours de canoë suivis à Genève nous profitent et à part quelques accostages un peu délicats, tout se passe bien. Nous faisons une courte halte à la troisième cabane pour y déposer du matériel et des vivres, en vue du prochain trekking et poursuivons notre navigation pour trouver un endroit adéquat afin d’y établir notre dernier campement. Finalement nous débarquons sur une immense plage de cailloux et de sable déserte, jonchée de quelques troncs d’arbres, emportés par le courant lorsque la rivière est haute après le dégel. Nous y dressons nos tentes en respectant, pour des raisons de sécurité, une distance d’une trentaine de mètres de l’endroit où nous mangerons. La soirée est superbe, il fait bon et une légère brume de fumée plane toujours, donnant au paysage des couleurs pastels qui accompagnent un magnifique couché de soleil et déjà la nostalgie des premiers instants de notre voyage. Nous grillons des saucisse et Yasmine nous prépare des pommes de terre cuites à la braise avec de la crème aigre, ainsi qu’un autre légume qui ressemble un peu à la courge et dont j’ai oublié le nom. Après ce repas nous devisons autour du feu et consacrons quelques instants poétiques, inspirés par ces lieux magiques et envoûtants.

 

A l’aube du dernier jour de randonnée, la brume de fumée persiste. Il fait frais, cependant la journée se présente encore sous de bons auspices météos. Nous n’avons eu aucune visite pendant la nuit, et l’aube, déjà bien avancée, nous gratifie du chant des loups que nous entendons un bref et inoubliable instant. Après le petit déjeuner et les derniers préparatifs, nous embarquons et poursuivons notre navigation sur une portion de la rivière un peu plus technique, ce qui me fait remarquer que Geneviève, qui se trouve à l’avant de l’embarcation, ne rame pas autant que je le souhaiterais, rendant pour moi plus difficile le maintien d’une bonne direction depuis l’arrière, ce qui provoque certaines explications, que les bonnes manières m’interdisent de dévoiler. A un moment la rivière nous chahute à sa manière, au grés de son courant, en nous faisant ainsi découvrir les surprises qu’elle nous réserve lorsqu’on perd un peu la maîtrise du canoë. Pour le déjeuner, nous nous arrêtons sur une île où d’énormes troncs d’arbres entremêlés nous font ressembler à des lilliputiens. Peu avant d’arriver à Faro nous avons la chance d’apercevoir un très bref instant un grizzli, venu prendre le frais sur les bords de la rivière. Un peu plus loin c’est un ours noir, mort, que nous voyons, vraisemblablement tué par un grizzli. Vers le milieu de l’après midi nous accostons à Faro. Ce voyage, pour parcourir ces 90 kilomètres de rivière, nous a paru très court, tellement le spectacle demeure diversifié et sans cesse à découvrir. J’ai aussi souvent pensé au poème de Rimbaud, le bateau ivre en descendant cette rivière « impassible… aux tohu bohus plus triomphants… avec d’incroyables florides et péninsules démarrées… plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots … »

 

Ces sept jours nous ont permis également de découvrir ce nouvel environnement, sans jamais se lasser, ni être stressés par un horaire trop rigide. Pour ma part j’ai également pu oublier certaines préoccupations personnelles et apprécier cette solitude réconfortante et apaisante que seule la Nature peut nous apporter. En outre le style, la maîtrise, sans jamais être pesante, laissant place à l’imprévu, les bonnes connaissances du milieu et l’enthousiasme de Yasmine ont contribué à faire de cette randonnée un moment inoubliable et riche en découvertes. Après ce périple, nous demeurons encore deux jours à Faro, avant de poursuivre notre voyage, le 17 août dans la matinée. Nous profitons de ces moments pour faire la connaissance de quelques personnes très sympathiques, comme les tenanciers du café, que nous avions rencontrés à la ferme, la banquière, qui confectionnera pour nous un « dreams catcher » pendant la nuit, juste avant notre départ et un photographe, accompagné d’un journaliste, très réputés venus travailler avec Nature Friends.

 

 NB : Au moment où je rédige ces quelques lignes pour le prochain blog, nous sommes à Atlin, en BC, aux bords d’un lac magnifique et c’est le 1er septembre, jour anniversaire de Geneviève. Cela va donc faire deux mois que nous bourlinguons. Nous allons être de retour à Whitehorse, notre point de départ, dans le Yukon, après plus de 4'500 kilomètres, en passant deux fois la frontière de l’Alaska étasunien. La narration s’arrête donc au 15 août. A ce moment là j’avais encore l’impression d’être en vacances. Maintenant je réalise que pour la première fois de ma vie professionnelle je suis en train de vivre autre chose et c’est parfois assez déconcertant pour ne pas le dire autrement. J’en parlerai peut-être ultérieurement, sans toutefois tomber dans le nombrilisme, rassurez-vous. Je pense cependant faire une pause dans ce blog pour le reprendre après le 15 octobre, lorsque nous aurons rejoint Vancouver. Je souhaite en effet essayer de mettre à profit cette période pour mieux maîtriser ce moyen de communication, améliorer sa présentation et intégrer également quelques photos. En ce qui concerne ce dernier aspect, pour vous faire patienter, nous avons le plaisir de vous signaler deux sites intéressants : www.patricehalley.com et www.dalewilson.ca. Le premier est celui du photographe rencontré à Faro au B+B et le second celui d’un autre, dont nous avons fait le connaissance dans le dernier B+B à Atlin.

En attendant, MERCI pour l’intérêt que vous portez à ces quelques essais,  motivés essentiellement par l’amitié qui nous lie et la découverte d’un nouveau moyen de communication entre nous , ainsi que de vos éventuels commentaires sur le blog ou nouvelles sur nos E-mails respectifs. A bientôt…

 
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commentaires

L
Vous nous faites envie, nous n'avons vu que le Québec, et encore !!! Nous partons demain matin avec toue la famille pour les îles Eoliennes. La rentrée scolaire a de nouveau, pour nous, bien débuté. Nous voyons Claudine et Ary régulièrement. Tout semble, pour l'instant, aller au mieux. Merci pour ce récit détaillé de vos aventures, récit que nous communiquons à ceux qui n'ont pas la joie d'utiliser un ordinateur. Lorraine a fait la lecture de votre voyage à Ary et va bien sûr continuer. Il nous a dermandé de vous transmettre son amitié. Nous vous embrassons tous les deux et nous enjoignons Geneviève à mieux guider son mari dans les méandres et les rapides des courants redoutables. Bonne route et à bientôt.
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