Le 20 août, nous prenons la route pour Mayo et Kino. Il s’agit de deux localités qui ont été construites au moment du Gold Rush pour la prospection de l’argent. Sur la route, alors que nous roulons tranquillement, deux ours noirs surgissent des fourrés. Le premier s’élance devant la voiture, peinard, sans stress et poursuit son chemin vers la forêt. Le second le suit, plus prudent, en attendant que nous ayons passé. A Kino, un chemin de montagne assez ardu, d’un vingtaine de kilomètres, nous conduit, à plus de 1'800 mètres d’altitude à un endroit très sauvage, désertique et c’est la fin de la route. Au delà c’est l’arctique, le Grand Nord, à moins de 200 miles, à travers des étendues où la nature reprend totalement l’initiative. La vue est grandiose (voir photo) et nous faisons un bout de chemin jusqu’à une cabane qui à l’air d’une sentinelle, dont les hivers rigoureux ont eu raison. Elle n’est plus qu’un artéfact parmi tant d’autres dans cette région. Il fait assez froid, toutefois le soleil déclinant lentement à l’horizon nous réchauffe encore. Une marmotte en pleine besogne, qui n’a que faire des photos que je tente de prendre, me montre obstinément son derrière frétillant, comme pour me narguer.
A Kino nous visitons encore le musée (voir photo) qui complète notre information sur cette époque héroïque, sur laquelle je reviendrai ultérieurement, car nous avons beaucoup à apprendre sur l’esprit de pionnier, dont nous avons un peu perdu le souvenir et l’énergie. C’est en effet toujours impressionnant de penser aux femmes et aux hommes qui sont venus dans ces régions hostiles pour y vivre ensemble, s’organiser et développer une activité à la recherche des richesses du sous sol. Nous bénéficions aussi d’un accueil très chaleureux, car les touristes qui viennent jusque là sont assez peu nombreux et nous pouvons ainsi échanger quelques propos intéressants et appendre encore plein de choses sur les gens qui résident encore sur place. Le soir nous restons dans un gîte à Mayo et tentons de nous faire le repas dans notre chambre, qui est équipée d’une cuisinière des années 1950.
En descendant de Kino nous avons encore passé par un hameau au nom que j’affectionne tout particulièrement, Elsa. En 1947 « Lucky Swede », Charlie Brefalt, découvrit un très important gisement de zinc et d’argent, auquel il donna le prénom de sa sœur Elsa. Rapidement une petite communauté s’installa dans les environs pour former un hameau de 700 habitants et fut le centre administratif de la « United Kino Hill Mines ». Cette mine ferma 1989, cependant une maintenance y est assurée, car on parle de reprendre son exploitation. Le Yukon est en effet très riche en gisements de toutes sortes en sommeil ou encore à découvrir et il n’est pas exclu qu’un jour, selon l’intérêt économique et de nouvelles technologies, des exploitations redémarrent (gestionnaires de fortune à l’affût de bons investissements, restez attentifs !).
Le lendemain nous partons faire l’ascension du Mont Haldane, qui culmine à 2'500 mètres. Le temps est gris et il y a encore passablement de fumée provoquée comme toujours par de lointains feux de forêts. Nous atteignons le sommet après trois bonnes heures de marche dans une solitude totale et qui le restera toute la journée. C’est assez impressionnant de marcher dans un tel milieu sauvage, sans aucun bruit à part ceux de la nature et nous ne pensons pas trop aux pépins qui peuvent arriver, car personne ne viendra nous chercher, avant qu’un autre hypothétique marcheur fasse le même chemin. C’est un peu ce qui se passe toujours dans ces contrées et cela fait partie du quotidien du randonneur, alors que chez nous, dans la plupart des courses, nous sommes pratiquement toujours assurés de l’intervention de secours dans l’heure qui suit. Par ailleurs nous continuons à marcher en faisant du bruit pour nous signaler à d’éventuels ours, que nous ne souhaitons pas surprendre. La descente se passe bien et nous retrouvons notre voiture sans trop de difficulté, ce qui est toujours un soulagement car les cartes qui nous sont offertes par l’info touriste sont assez rudimentaires et assez éloignées de nos cartes helvétiques, qui mentionnent pratiquement chaque cailloux. Quant à la nature que nous parcourons, elle demeure très caractéristique, forêt boréale, toundra et nombreuses autres plantes aux vertus curatives, selon les natifs.
Au matin du 22 août nous reprenons la route en direction de Dawson. Sur le trajet nous faisons halte au bords du lac Gravel, un important passage migratoire et pouvons admirer un peu plus loin une superbe vue sur le sillon de la Tintina, cette grande faille géologique d’Amérique du nord. Nous poursuivons notre itinéraire pour prendre la Dempster Highway, une route de gravier qui mène jusqu’à Inuvik à plus de 700 km. Nous nous contenterons de 150 km dans un paysage extraordinaire, aux couleurs automnales, allant du vert tendre au rouge vif et en passant par tous les dégradés possible et c’est la toundra du Nord. Nous faisons une halte au Parc Tumbstone pour faire une petite balade. Malheureusement le temps ne nous est pas favorable et nous rebroussons chemin avec en plus une fumée abondante que nous sentons et qui nous pique les yeux. Nous nous dirigeons alors sur Dawson et apprendrons le lendemain que cette route avait été coupée en raison d’un incendie de forêt à une cinquantaine de km plus loin de l’endroit que nous avions atteint.
La prochaine étape, Dawson, nous plongera directement dans l’ambiance et l’histoire du Gold Rush…..